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Si vous possédez quelque objectif grand format ancien, vous vous êtes forcément déjà demandé si les temps d’obturation présentés sur le barillet étaient toujours précis.

Il y a plusieurs manières de mesurer les temps d’obturation. L’une des méthodes les plus simples consiste à utiliser une photodiode et à détourner un logiciel d’enregistrement audio pour lui faire mesurer la durée d’un pseudo-signal audio, en réalité ici la durée du temps d’exposition d’une photodiode. Il existe de nombreux sites qui expliquent la procédure à suivre : cherchez sur votre moteur de recherche préféré les termes shutter + time + audacity.

Le présent article propose d’utiliser une carte micro-contrôleur Arduino pour mesurer les temps d’obturation. La méthode présente l’avantage d’être très simple à mettre en œuvre et d’être très précise dans la mesure des temps d’obturation, même si ceux-ci sont très courts.

Avant de passer à la réalisation proprement dite, posons-nous la question de savoir quelle erreur de temps d’obturation peut-on tolérer par rapport à la valeur nominale sélectionnée sur le barillet ?
Une différence d’exposition d’1/3 de stop ne fait pas une grande différence au final. Les obturateurs mécaniques des objectifs grand format s’arrêtent d’ailleurs à cette précision. Au delà, la précision d’autres paramètres commencent à devenir tout aussi importante que l’exposition, telles la durée et la température du développement, la sensibilité iso du film et autres facteurs qu’il est difficile de mesurer/contrôler précisément. On peut donc considérer que si t est le temps nominal d’obturation, on peut tolérer un temps effectif compris dans l’intervalle t ± 1/3 stop, ou dit autrement dans l’intervalle [t ÷1.26, t ×1.26] (NB : le facteur 1.26 correspond à 21/3)

Les valeurs les plus courantes rencontrées sur les obturateurs mécaniques et les valeurs correspondantes maximum et minimum admissibles sont dès lors les suivantes :

t nominal 1 1/2 1/4 1/8 1/15 1/30
t (ms) 1000 500 250 125 67 33
t max 1260 630 315 158 85 41
t min 800 400 200 100 55 26
t nominal 1/50 1/100 1/200 1/250 1/400 1/500
t (ms) 20 10 5 4 2,5 2
t max 25 13 6 5 3,2 2,5
t min 16 8 4 3,2 2 1,6

Il est important de ne pas se contenter d’une seule mesure toutefois : si certaines pièces du mécanisme de l’obturateur sont grippées, les temps d’obturation peuvent varier considérablement d’une mesure à l’autre. Il faut une méthode pour savoir si l’amplitude de cette variabilité est acceptable ou non. La méthode proposée suivante, bien que non rigoureuse d’un point de vue statistique, suffira : faire par exemple 10 mesures du temps d’obturation pour la valeur choisie. Soit t la moyenne de ces valeurs. Ce sera la valeur retenue en pratique. S’assurer alors que toutes les valeurs mesurées précédemment se trouvent dans l’intervalle [t ÷1.26, t ×1.26]. Si ce n’est pas le cas, il faut envisager le remplacement ou la révision de l’obturateur. Quelques sites peuvent vous guider dans cette procédure : chercher par exemple les termes repair copal shutter sur votre moteur de recherche préféré.

Passons maintenant à la réalisation d’un outil proprement dit permettant de mesurer les temps d’obturation.

Principe

principe de réalisationUne photodiode branchée à une source de tension voit celle-ci chuter à ses bornes lorsqu’elle est soumise à une lumière directe. Si l’on place une photodiode derrière l’obturateur et que l’on déclenche celui-ci, la durée de la chute de tension correspond au temps d’ouverture de l’obturateur. Mesurer cette durée à l’aide d’un micro-contrôleur peut se faire de plusieurs manières : usage d’un comparateur, traitement d’une interruption, … De manière heureuse, la complexité inhérente à la mise en œuvre de ces outils peut être largement occultée grâce à l’usage des fonctions de haut niveau disponibles avec l’Arduino. Dans la réalisation qui suit, l’appel seul à la fonction pulseIn sera suffisant pour mesurer la durée recherchée.

Matériel nécessaire

  • une carte micro-contrôleur Arduino
  • une photodiode
  • un domino (également appelé sucre) et deux fils de type Dupont mâles.

Code Arduino

Télécharger le code Arduino suivant sur votre carte :

#define diodePin 7

float duration=0;
int i=1;

void setup()
{
  pinMode(diodePin,INPUT);
  digitalWrite(diodePin, HIGH); // pull-up on pin
  Serial.begin(9600);
  Serial.println("Shutter time measures");
}

void loop()
{
  // measure the duration of LOW level on diode pin - blocking
  while (duration==0)
    duration = pulseIn(diodePin, LOW, 60*1E6);
  Serial.print("Measure ");Serial.print(i);Serial.print(": ");
  Serial.print(duration/1000); // display time in milliseconds
  Serial.println(" ms");
  i++;duration=0;
}

NB: les lignes 9 et 10 du code visent à placer — par voie logicielle — une résistance de pull-up sur le pin de mesure.

Mise en oeuvre :

  • Identifier la polarité (le côté +) de la photodiode à l’aide d’un multimètre placé sur la position « test de diode » ou ohmmètre. Pour ce test, la photodiode doit être placée face à une lumière de manière à ce qu’elle soit passante. En mode « test de diode », la tension chute au bornes de la photodiode si celle-ci est polarisée dans le sens passant. En mode ohmmètre, c’est la résistance qui chute si la diode est correctement polarisée.
  • Brancher la photodiode à l’Arduino en respectant la polarité suivante: pôle + sur l’entrée digitale 7 et pôle – sur la terre (pin GND).
Le montage à réaliser

Le montage à réaliser

Utilisation

Brancher l’Arduino avec son cable USB. Placer le montage derrière l’obturateur et positionner la photodiode de manière à ce qu’elle soit placée juste derrière l’objectif et dans l’axe de celui-ci. L’objectif doit être réglé à son ouverture maximum. Placer une lumière assez forte devant l’obturateur. Ouvrir un terminal série Arduino à la vitesse de 9600 bauds. Déclencher l’obturateur. La vitesse s’affiche alors dans le terminal. Vous pouvez déclencher autant de fois que nécessaire.

Exemple de 10 mesures consécutives réalisées sur un obturateur copal n°1 récent, réglé au 1/30 :

temps mesurés

temps mesurés

La moyenne t est de 43,4 ms, ce qui est en dehors de l’écart admissible pour le 1/30. Les temps sont par contre consistants car ils sont tous dans l’intervalle t ± 1/3 stop, soit [34,5 ; 54,7]. A l’exposition, ce temps moyen obtenu devra être compensé en fermant l’objectif d’1/3 de diaphragme.

Bonnes mesures !

Nota : les mesures que j’ai effectué sur les obturateurs copal qui sont à ma disposition ont montré une « lenteur » systématique équivalente à 1/3 de stop, et ce à toutes les vitesses. Je serais curieux de savoir s’il s’agit là d’un défaut caractéristique de ces obturateurs ou s’il s’agit d’une coïncidence.